Lettre de la conseillère régionale de Lyon, Sabiha AHMINE, à Eric Besson.

Annoncée en grande pompe dans l'ensemble des médias locaux et régionaux, vous êtes aujourd'hui dans le Rhône pour animer un débat sur l'identité nationale. S'agit- il d'une aide que vous allé apporter à ceux qui, aujourd'hui à l'occasion du renouvellement de leurs papiers d'identité, doivent systématiquement faire la preuve de leur nationalité française ? Non !

S'agit- il de la défense de notre système social et de notre service public, fleurons de la nation et fruits de la résistance contre les ravages de la mondialisation et ses valeurs commerciales ? Non ! S'agit-il d'une réponse concrète à ceux qui, avec ou sans papiers, souffrent dans le silence du chômage, des délocalisations, victimes de la crise capitaliste ? Non ! S'agit-il de la mise en place d'un « Plan Marchal » contre des discriminations, contre les inégalités et pour la diversité. Non, rien de tout cela…

Donc, vous comprendrez pourquoi, Monsieur le Ministre, je refuse de participer à ce débat. Car il s'agit là d'un simple gadget de campagne pour les régionales, destiné à ratisser les voix de l'extrême droite, en désignant à tort la jeunesse, l'immigration, l'islam et autres catégories d'exclus comme sources de la crise en cours. Ce qui va voiler ainsi les vrais problèmes des citoyens et risque au passage de semer les divisions, la peur de l'avenir et le repli.

En effet, j'imagine mal un débat où les valeurs de la république sont malmenées. Un débat où on sème le doute, le repli et la peur de l'avenir. L'identité nationale vaut mieux qu'un débat. Notre identité commune c'est la République. Nos valeurs d'égalité, de fraternité, de liberté et de laïcité ne sont ni discutables ni négociables. C'est un combat de tous les instants contre les antirépublicains, contre le repli, le mépris et contre la régression. Défendre l'identité française ne peut pas donc se réduire à une convocation pour un débat. La défense des valeurs de la république c'est l'espoir. C'est le passé qu'il faut assumer dans tous ses aspects et dans toute sa diversité. C'est le présent qu'il faut vivre ensemble et c'est l'avenir, l'espoir qu'il faut inventer et construire.

L'identité nationale vaut mieux qu'un débat et ma France à moi c'est « cet air de liberté au-delà des frontières ». C'est ce bien commun de tous les français, sans discrimination de couleurs, de sexe, d'orientation, d'origine ou de religion. Plus largement la nation c'est notre bien commun qu'il faut partager avec de tous ceux qui résident sur notre sol, ceux qui ont construit nos autoroutes et nos cités et à qui on répond par le mépris. Comme Jean Ferrat, ma France à moi « dont vous usurpez aujourd'hui le prestige, répond toujours du nom de Robespierre ».

C'est dans la misère, dans les discriminations, dans la pauvreté et le déni des quartiers désertés par l'Etat et la politique de la ville que se développent les intégrismes, les fanatismes, le rejet de notre identité nationale. Il faut permettre à chacun, quelles que soient son origine, sa religion, son opinion philosophique, d'être respecté, et faire en sorte que les politiques publiques,  économiques, sociales et de l'éducation, aient comme perspective ultime de faire  que personne ne se sente laissé à l'écart de la réussite commune, de notre mémoire commune et de notre avenir commun.

La défense de notre identité nationale, comme nous l'avons réalisé à Lyon avec le Conseil des Résidents Lyonnais Etrangers (CREL), c'est permettre l'hospitalité dans l'accueil, permettre la participation citoyenne et le vivre ensemble, sans discrimination.

Je conclus mon propos en demandant à votre gouvernement de ne surtout pas voiler l'action politique des femmes, comme c'est le cas aujourd'hui avec la réforme territoriale en cours, qui est un danger réel pour la parité et la diversité en politique.